De la découverte de mon mélanome uvéal au printemps 2015 à l’énucléation : Depuis le début de l’année 2015 environ, j’avais une sorte de scintillement dans mon champ de vision et dès le printemps, peu de temps avant la découverte, lorsque je me couchais, je voyais de petits éclairs horizontaux dans l’obscurité sans trop m’affoler ne connaissant pas les symptômes du décollement de rétine… Ma vue n’était semble t-il pas encore vraiment impactée…
J’aurais pourtant dû faire le lien avec ce que m’avait signalé le Dr B., mon ancien ophtalmo de Vichy dans les années 92-95 : la présence d’un grain de beauté au bord de ma rétine. Je lui avais demandé alors s’il y avait quelque chose à faire, par exemple le détruire, et il m’avait répondu par la négative, estimant que je pouvais passer ma vie sans encombre, celui-ci n’évoluant pas forcément… Aucune évocation de risque de mélanome à ce momentlà… Tant que j’ai été son patient j’ai bénéficié de fonds d’œil tous les deux ans mais ayant dû changer d’ophtalmo du fait de son prochain départ en retraite, et venir à Moulins, je sais que je n’ai pas eu de fond d’œil en 2014. Aurai-je dû signaler ce grain de beauté ? Apparemment je l’avais un peu oublié et je regrette que les dossiers de patients ne soient pas transmis systématiquement… d’où l’intérêt de la mise en place effective du Dossier Médical Partagé !!
Jeudi 16 avril 2015 : au moment du déjeuner, je ne sais pas vraiment pourquoi à ce moment-là, j’ai eu l’idée, pourquoi pas plus tôt, de mettre une main tour à tour devant mes deux yeux, et de constater la présence dans le champ visuel de mon œil gauche, d’une petite zone grisée dans l’angle près du nez ; premier choc !!
L’après-midi, je me suis rendu sans rendez-vous au cabinet du Dr D., mon ophtalmo à Moulins, qui m’a pris en urgence dans l’heure et a fait, grâce à un fond d’œil, la découverte d’un décollement qualifié de « globuleux » de la rétine ; il m’a dirigé de suite, dossier transmis le soir même, sur le CHU de Clermont.
Le Professeur G., de Lyon, avait conseillé à tout un chacun, lors de la 1ère AG de l’ANPACO, de faire pratiquer régulièrement un fond d’œil, seule façon de détecter ce cancer sournois !!
Grande réactivité du Service ophtalmologique du CHU qui dès le lendemain de la découverte, vendredi 17 avril, m’a convoqué pour le lundi 20 avril pour examens dont une échographie de l’œil. J’ai été reçu par des Internes puis par le Dr B. Cette échographie a confirmé un décollement important de la rétine provoqué par la présence d’un volumineux mélanome choroïdien, partie postéro latérale gauche, qui la soulevait ; taille de 11 à 15 mm de diamètre… Second choc !!
Série d’examens qui vont s’enchaîner grâce au Dr B. que je remercie encore pour sa promptitude :
- Mercredi 22 avril : échographie abdominale et bilan hépatique
- Vendredi 24 avril : IRM cranio-encéphalique à Moulins
- Samedi 25 avril : rencontre au CHU avec le Dr B. qui, au bout d’un exposé-entretien d’une heure un quart, a réussi, faisant preuve de beaucoup de psychologie, à me convaincre du bien fondé de l’énucléation dans mon cas et des risques encourus en cas de radiothérapie ou de curiethérapie. Le choix de l’énucléation avait été fait en concertation avec le Dr D. de l’Institut Curie. Quand je suis sorti du cabinet du Dr B., ma décision était prise, et je ne l’ai jamais regrettée ; je lui ai confirmé mon choix (en fait, avais-je le choix ?) à l’issue du week-end ; le même jour la date de l’opération avait été fixée au 5 mai 2015.
- Semaine suivante : angiographie pré-opératoire de l’œil au CHU qui, je m’en souviens encore, mettait en évidence entre autre les micro-vaisseaux d’alimentation de la tumeur…
- Mardi 5 mai 2015, énucléation au CHU par le Dr B. J’y suis allé confiant vu le soin qu’il avait mis à me préparer et à me rassurer, et soulagé que l’on me débarrasse de cette tumeur.
La vitesse de réaction est très importante car en 3 semaines passées entre la découverte et l’énucléation, mon champ visuel gauche s’était beaucoup dégradé ; je vous ai parlé d’une petite zone grise, eh bien celle-ci était devenue une zone noire couvrant la moitié du champ visuel gauche, en diagonale… Les analyses qui ont suivi, avantage de l’énucléation, ont montré qu’il était grand temps d’agir : il y était constaté un débordement de la tumeur sur le tiers interne de la sclère ; en revanche, pas d’infiltration du nerf optique ni du tissu conjonctif adipeux périphérique ; rien non plus à l’iris…
Ces analyses post-opératoires ont montré que la tumeur était composée de cellules épithélioïdes en grande partie et de cellules fusiformes pour 5 % maximum ; ces cellules tumorales renfermaient dans leur cytoplasme du pigment mélanique.
Des analyses cyto-génétiques ont été aussi menées concernant les chromosomes 3, 8 et 6 montrant que je n’entrais pas dans les critères nécessitant un traitement anti-récidive…
La pose d’une prothèse avec ses différentes étapes est quelque chose de très important pour affronter le regard des autres ; personnellement, ayant été opéré début mai 2015, j’avais ma prothèse définitive en septembre de la même année. Grâce à l’excellent travail du Dr B. et au travail d’artiste des ocularistes, M. B., et Mme F. qui lui a succédé, j’ai pu rapidement reprendre des activités : marche, vélo, etc… La perte du relief est je pense ce qui gêne le plus dans les premiers mois…
Dès l’été 2015, un suivi trimestriel puis semestriel ont été mis en place avec bilan hépatique et échographie abdominale, les récidives se portant dans 90 à 95 % des cas au foie ! Donc dans 5 à 10 % des cas ailleurs !! Faisant partie de ces 5 à 10 %, je regrette un peu que dans le suivi post-cancer primitif ne soit pas prévu dans le protocole ne serait-ce qu’un scanner au bout de deux ou trois ans…
Création de l’ANPACO en 2017 et 1ère AG en avril 2018
Je voudrais dire que l’utilité de cette association n’est plus à démontrer et que j’encourage les patients atteints du mélanome uvéal à y adhérer et à la soutenir ; à la demande de sa présidente, Mme Dellis, dont il faut souligner le grand dévouement, je me suis porté volontaire pour répondre à des demandes d’écoute de patients ayant un mélanome uvéal et devant subir une énucléation et la pose d’une prothèse… J’ai d’ailleurs été contacté plusieurs fois, espérant avoir pu modestement les aider à répondre à leurs interrogations et à dissiper leur inquiétude… J’avais pu mesurer l’importance de la psychologie quand le Dr B. m’avait convaincu de prendre la bonne décision et rapidement, car le temps est compté en ces circonstances… Les personnes concernées se posent beaucoup de questions bien sûr sur le ressenti après l’intervention chirurgicale mais surtout quant à la pose d’une prothèse oculaire et ses conséquences dans la vie quotidienne…
La récidive en 2018 !
Si la récidive de cancer a été découverte les 5 et 13 novembre 2018 par IRM et SCANNER, toute l’année 2018 m’a vu souffrir de douleurs au niveau vertébral et costal, douleurs qu’on croyait causées par l’arthrose ou des pincements à la colonne !!
La prise en charge de ma récidive a été acceptée par le Pr D. à la demande conjointe du Dr B. et du Dr M., urologue au CHU.
Après tous les examens, tepscan, biopsie, etc, il s’est avéré que ma première métastase située sur la 3ème côte à droite du thorax renfermait les mêmes cellules que mon mélanome choroïdien ; cette métastase comprime le lobe supérieur de mon poumon droit. Une seconde métastase est située au niveau de l’os iliaque gauche et quelques points ont été localisés au niveau dorsal T2 à T4 côté droit de la colonne vertébrale. Un kyste suspect découvert en septembre 2018 à mon rein droit est aussi surveillé…
Les soins
Le Professeur D. m’a d’abord proposé de suivre 10 séances d’une radiothérapie classique en janvier 2019 à visée antalgique et consolidatrice, vu l’intensité des douleurs thoraciques et notamment des névralgies intercostales qui m’empêchaient de dormir !
De février à mai j’ai suivi un traitement immunothérapique par Nivolumab, renforcé de juin à octobre d’un second anticorps l’Ipilimumab en quatre séances séparées de trois semaines.
Un bilan a été effectué en octobre montrant que si l’immunothérapie avait permis de contenir la maladie, elle n’avait pas réussi à détruire les métastases d’où la proposition du protocole expérimental MELRIV par le Pr D., que je me suis empressé d’accepter… Merci à lui de m’avoir convaincu du bien fondé de cette démarche.
L’injection thérapeutique a eu lieu le 25 novembre 2019 dans le service de Médecine Nucléaire après une première injection dite diagnostique permettant de s’assurer que la personne est compatible avec le dit protocole… Je voudrais en profiter pour remercier le Professeur C. et toute son équipe pour leur grand professionnalisme, leur patience et leur gentillesse tout au long du protocole ainsi que le personnel de la recherche clinique…
J.P.
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